mercredi 3 octobre 2012

C’est connu: La CIA dit toujours tout…et c’est toujours vrai????

Je reproduis ici un excellent texte final paru sur le site Voltaire.org

LE LANCEMENT DE LA GUERRE DE TERREUR DES ÉTATS-UNIS (3/3)

Les trucages du renseignement par l’État profond

par Peter Dale Scott

Dans la troisième et dernière partie de son étude, Peter Dale Scott montre que plusieurs administrations ont participé à la préparation de la version officielle du 11-Septembre, soit en fabriquant des indices, soit en retenant des renseignements. Ce faisant, l’ancien diplomate canadien met en évidence l’action d’institutions états-uniennes profondes, inconnues du grand public.

RÉSEAU VOLTAIRE | 26 SEPTEMBRE 2012

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Cet article fait suite à
- 1. «
La CIA, le 11-Septembre, l’Afghanistan et l’Asie centrale » et
- 2. «
Des services secrets parallèles »

Richard Blee avait-il un objectif inconnu pour retenir les renseignements ?
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Vous pouvez comander dès à présent le nouveau livre de Peter Dale Scott, « La Machine de guerre américaine », sur la librairie en ligne du Réseau Voltaire.

Kevin Fenton avance la possibilité que l’un des individus cherchant un prétexte pour intensifier la guerre contre al-Qaïda aurait pu être Richard Blee. Nous avons vu que ce dernier, accompagné de Cofer Black, négocia avec l’Ouzbékistan un accord de liaison visant à établir un échange de renseignements. En 2000, le SOCOM commença à s’impliquer dans cette région, et « les forces spéciales US initièrent une collaboration plus visible avec l’armée ouzbèke, dans le cadre de missions d’entraînement. » [1] Comme nous l’avons constaté, l’accord de liaison ouzbèke a peu à peu évolué vers une liaison secondaire avec l’Alliance du Nord en Afghanistan. Alors qu’il rencontrait le commandant Massoud en octobre 1999, Richard Blee accepta de faire pression sur Washington en faveur d’un soutien plus actif à l’Alliance du Nord. [2]

Après l’attentat contre l’USS Cole à Aden en octobre 2000, Blee tenta d’élargir la mission militaire en Ouzbékistan en appuyant la création d’une force offensive commune, qui aurait été coordonnée aux troupes de l’Alliance du Nord du commandant Massoud. Ce projet rencontra d’importantes objections alors que Bill Clinton était encore président, notamment car Massoud combattait avec l’appui de la Russie et de l’Iran les talibans soutenus par le Pakistan, et car il était connu pour financer son effort de guerre grâce au trafic de l’héroïne. [3] Mais au printemps 2001, une réunion d’adjoints des ministres de la nouvelle administration Bush relança les plans de Richard Blee et de Cofer Black, qui visaient à organiser une importante aide secrète au commandant Massoud —des projets soutenus par Richard Clarke, le directeur du contre-terrorisme à la Maison-Blanche—. [4] Le 4 septembre 2001, une semaine avant le 11-Septembre, le cabinet du Président Bush autorisa la rédaction d’une nouvelle directive présidentielle, la NSPD-9, autorisant un plan d’actions secrètes menées en coordination avec Massoud. Ce plan se basait sur le projet de Richard Blee et de Cofer Black. [5]

Au sein de l’administration Bush récemment investie, Blee n’était plus minoritaire. Six semaines après le 11-Septembre, il fut nommé au poste important de chef de station de la CIA à Kaboul. [6] Kevin Fenton rapporte qu’en vertu de ce nouveau statut, Blee fût impliqué dans le programme de transferts illégaux de prisonniers d’al-Qaïda (« extraordinary renditions »). Ainsi, ces faits suggèrent qu’il aurait pu avoir comme objectif d’obtenir sous la torture de faux aveux d’Ibn Cheikh al-Libi, dans le but de démontrer une complicité irakienne avec al-Qaïda. Ces fausses confessions furent ensuite utilisées dans le « trucage » des renseignements, et elles « constituèrent une partie déterminante de la présentation embarrassante du secrétaire d’État Colin Powell devant [le Conseil de Sécurité de] l’ONU [,] qui visait à soutenir l’invasion de l’Irak ». [7]

Le SOCOM avait-il un objectif inconnu pour stopper le programme Able Danger ?

Les opérations déclenchées suite au 11-Septembre sont allées bien plus loin que le programme de Richard Blee en faveur d’un engagement paramilitaire de l’Agence avec l’Alliance du Nord. En Afghanistan, le contingent de la CIA devint vite insignifiant à côté des forces du SOCOM. En effet, George Tenet rapporta qu’à la fin de l’année 2001, les États-Unis comptaient dans ce pays environ 500 combattants, incluant « 110 officiers de la CIA, 316 membres des Forces spéciales, et un grand nombre de commandos du Commandement mixte des opérations spéciales [, le JSOC,] semant le chaos derrière les lignes ennemies. » [8]

Au sein de l’administration Bush, Stephen Cambone avait collaboré avec Dick Cheney et Donald Rumsfeld en cosignant le programme du PNAC, Reconstruire les défenses de l’Amérique, et en participant à son élaboration. Après le 11-Septembre, il devint l’un des partisans les plus actifs de l’utilisation des forces spéciales du SOCOM pour mener des opérations secrètes contre al-Qaïda — pas seulement en Afghanistan, mais « n’importe où dans le monde » —. [9]

Il est possible que tout ce que Richard Blee ait fait à Alec Station afin de préparer le terrain pour le 11-Septembre entrait dans le cadre d’une plus vaste opération inter-agences, dans laquelle le SOCOM joua un rôle comparable lorsqu’il mit un terme au projet Able Danger. Ceci pourrait expliquer une note manuscrite de Stephen Cambone, rédigée vers 10 heures du matin le 11-Septembre, après qu’il eût reçu un appel de George Tenet, le directeur de la CIA. À cette époque, Cambone était l’un des membres du PNAC que Dick Cheney avait placé au Pentagone — alors dirigé par Donald Rumsfeld —. Voici ce que contient la note en question :

[Vol] AA 77 - 3 indiv[idus] ont été suivis depuis [les projets d’attentats d’al-Qaïda à l’occasion des fêtes du] Millénaire et [de l’attentat du 12 octobre 2000 contre l’USS] Cole
1 type est assoc[ié] au terroriste [ayant visé l’USS] Cole
2 sont entrés aux US au début du mois de juillet
(2 sur 3 arrêtés et interrogés ?)
[
10]

Le « type » dont il est ici question est probablement Khaled al-Mihdhar, et le « terroriste [ayant visé l’USS] Cole » pourrait être Wallid [ou Toufik] ben Attach, un important membre d’al-Qaïda lié non seulement à l’attentat suicide contre l’USS Cole, mais également aux attaques de 1998 contre les ambassades US. Il serait utile de savoir pourquoi George Tenet transmettait à un faucon du Pentagone des renseignements qui, visiblement, n’avaient jamais été divulgués à quiconque en dehors de la CIA. Par ailleurs, est-ce une coïncidence si Cambone, à l’instar de Blee au sein de l’Agence, supervisa un programme dans lequel des membres des forces spéciales du SOCOM utilisèrent la torture pour interroger des détenus en Afghanistan ? [11]

Tout comme Richard Blee aurait été un protégé de George Tenet à la CIA, Stephen Cambone était connu pour sa loyauté à toute épreuve d’abord envers Dick Cheney, puis envers Donald Rumsfeld une fois nommé au Pentagone. Nous ne savons pas s’il a été associé au projet de planification de la Continuité du Gouvernement (COG) dans lequel Rumsfeld et Cheney, parmi d’autres, préparèrent la surveillance sans mandat et les mesures de détention arbitraire qui furent mises en œuvre pour la première fois le matin du 11-Septembre (et qui sont encore actives, comme je l’ai démontré ailleurs). [12] Nous ne savons pas non plus s’il a été associé, d’une manière ou d’une autre, au groupe de travail sur le contreterrorisme de Dick Cheney durant le printemps 2001 (l’Office of National Preparedness, ou Bureau de Préparation Nationale). Ce groupe aurait été une source des exercices militaires du 11-Septembre — incluant des simulations d’attaques d’avions détournés — qui ont amplifié la confusion dans la réponse de la défense US aux attentats. [13]

Les événements profonds comme modèle récurrent derrière les engagements des États-Unis dans la guerre

Je désirerais conclure cet essai en situant dans une courte perspective historique les dysfonctionnements que nous venons d’observer. Dans une certaine mesure, le 11-Septembre fut sans précédent — le plus grand homicide jamais perpétré en une seule journée sur le territoire des États-Unis —. Mais il est aussi un exemple emblématique du genre d’événements mystérieux avec lesquels nous avons été malheureusement familiarisés depuis l’assassinat de Kennedy. Je les ai appelé les « événements profonds », en ce qu’ils trouvent leurs racines profondes dans les activités illégales et secrètes des diverses branches des agences de renseignement US. Par ailleurs, ces événements sont suivis par un processus de flagrantes dissimulations officielles, soutenues par d’incroyables dysfonctionnements médiatiques et par des livres à succès mensongers. Certains de ces événements profonds, comme l’assassinat de Kennedy, les incidents du golfe du Tonkin et le 11-Septembre, devraient être considérés comme des événements profonds structurels, du fait de leur impact permanent sur l’Histoire.

Il est frappant de constater que les événements profonds structurels à peine évoqués devaient tous avoir comme effet de déclencher un engagement rapide des forces états-uniennes dans des guerres inopportunes. Dans une perspective inverse, toutes les interventions militaires importantes des États-Unis depuis la Corée dans les années 50 ont été précédées par des événements profonds structurels — le Laos, le Vietnam, l’Afghanistan (à deux reprises, d’abord secrètement puis ouvertement) et l’Irak —. Comme je l’ai écrit dans La Machine de guerre américaine, un rapport de 1963, rédigé par la Direction des planifications et des politiques (J-5) du Comité des chefs d’États-majors interarmées (JCS), fit savoir à ses généraux que « [l]a fabrication d’une série de provocations destinées à justifier une intervention militaire [était] réalisable et [pouvait] être accomplie à l’aide des ressources disponibles. » [14] Les incidents du golfe du Tonkin, le 11-Septembre et même l’assassinat de Kennedy peuvent être vus comme des événements qui furent en réalité « fabriqués », selon le modèle exposé en 1962 dans le Projet Northwoods(l’ensemble de propositions émises par le JCS pour justifier une invasion de Cuba en organisant des attaques sous faux pavillon). [15]

Par ailleurs, malgré mon scepticisme initial, deux livres récents m’ont peu à peu convaincu de lister plus d’une douzaine de parallèles importants entre l’assassinat de Kennedy et le 11-Septembre. Grâce aux brillantes recherches de Kevin Fenton, je peux ajouter un autre parallèle à cette liste. En effet, les dossiers de la CIA concernant Lee Harvey Oswald, qui avaient été plus ou moins dormants pendant deux ans, montrèrent une soudaine hyperactivité au cours des six semaines avant l’assassinat de Kennedy. Fenton a démontré le même sursaut d’activité dans les dossiers du FBI concernant Khaled al-Mihdhar ou Nawaf al-Hazmi les semaines précédant le 11-Septembre. Ce sursaut fut initié par Tom Wilshire, à un moment étrangement proche de celui où les pirates de l’air présumés fixèrent une date finale pour leur attaque. En outre, nous pouvons constater d’étranges retards dans ces deux affaires, expliquant le fait que les dossiers soient à l’étude durant la survenance de ces événements profonds. [16]

L’impact du 11-Septembre sur le Droit international et américain

À travers cet essai, nous avons analysé deux différents niveaux de fonctionnement de la politique étrangère US, qui sont en réalité contradictoires. Au niveau visible de la diplomatique publique, nous pouvons observer un engagement en faveur du Droit international et de la résolution pacifique des différends. À un niveau plus profond, incarné par une connexion saoudienne de longue date et par des arrangements secrets visant à contrôler mondialement le pétrole, nous observons la tolérance — voire la protection — de groupes terroristes dans l’accomplissement des objectifs secrets des États-Unis autant que de l’Arabie saoudite. Ainsi, en 2000 et 2001, les agissements du « groupe Alec Station » autour des deux pirates de l’air présumés Khaled al-Mihdhar et Nawaf al-Hazmi doivent être replacés dans le contexte de cette vieille connexion avec l’Arabie saoudite. Ils s’inscrivent aussi dans le consensus secret de 2001 qui, comme en 1964, était centré sur l’idée que les besoins pétroliers et sécuritaires des États-Unis (ainsi que ceux d’Israël) nécessitaient une nouvelle mobilisation US vers la guerre.

Aussi horrible fut-il, le meurtre de plus de 2 000 civils durant le 11-Septembre n’a pas été le seul crime majeur perpétré ce jour-là. En effet, ces attaques ont également déclenché une série d’assauts sur le Droit international autant qu’états-unien. L’état de droit et la liberté vont de pair, et ils ont été considérablement étendus par les documents fondateurs des États-Unis au XVIIIe siècle. Le monde entier en a bénéficié : sur chaque continent, des constitutions écrites firent rapidement leur apparition et les mouvements Jeune Europe, inspirés par l’exemple américain, initièrent le difficile processus vers l’Union européenne d’aujourd’hui.

Depuis 2001, l’état de droit autant que la liberté ont été progressivement érodés. Fondée sur le fait pour chaque État de ne pas infliger aux autres ce qu’il n’aimerait pas subir, la courtoisie internationale a été — au moins pendant un certain temps — supplantée par l’engagement militaire unilatéral des États-Unis (agissant sans crainte des réprobations ou des sanctions). Les assassinats opérés par les drones dans des endroits éloignés du globe sont aujourd’hui devenus routiniers. Ils ont tué plus de 2000 Pakistanais (dont une large majorité de civils), plus des trois quarts de ces frappes ayant été menées sous le Président Obama. [17] La guerre préventive contre l’Irak, bien que s’étant avérée injustifiée et contreproductive, a été suivie par le bombardement préventif de la Libye, et par des perspectives de nouvelles campagnes militaires contre la Syrie et l’Iran.

En tant que Canadien, permettez-moi de souligner que je crois en l’exceptionnalisme américain, et qu’il fût un temps où les États-Unis se distinguaient pour avoir remplacé un régime autoritaire par un gouvernement constitutionnellement encadré — ce qui n’avait pas de précédent historique —. Aujourd’hui, les États-Unis restent une exception, mais par leur pourcentage de citoyens incarcérés, leurs inégalités de richesses et de revenus (un ratio qui, parmi les grandes nations, n’est dépassé que par la Chine), et enfin pour leur emploi immodéré de la puissance meurtrière à l’étranger.

Seule la dernière de ces tendances a débuté avec le 11-Septembre. Mais cet événement lui-même devrait être perçu comme l’issue logique de l’expansion impériale des États-Unis et de son déclin simultané — un processus affectant inévitablement ces supers-États qui accumulent et conservent plus de pouvoir que ne le requiert la gestion ordonnée de leurs propres affaires —.

Pour approfondir le sujet :

- Peter Dale Scott (vidéo) : « Conversations avec l’Histoire : La Route vers le Nouveau Désordre Mondial »
- Peter Dale Scott : « Le ‘Projet Jugement dernier’ et les événements profonds : JFK, le Watergate, l’Irangate et le 11-Septembre »
- Peter Dale Scott : « Derrière la démocratie états-unienne : l’État profond »
- Peter Dale Scott : « Ces noms que l’on retrouve le long de La Route vers le Nouveau Désordre Mondial »
- Peter Dale Scott : « Le programme secret de la FEMA pour supplanter la Constitution des États-Unis et établir un état d’urgence permanent »

Peter Dale Scott

Traduction
Maxime Chaix

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Texte original publié sur le site Asia-Pacific Journal : Japan Focus le 19 mars 2012 sous le titre « Launching the U.S. Terror War : the CIA, 9/11, Afghanistan, and Central Asia ».

[1] Thomas E. Ricks et Susan B. Glasser, Washington Post, 14 octobre 2001. De façon significative, la proposition de créer une force offensive mixte avec l’Alliance du Nord rencontrait également l’opposition du commandant Massoud lui-même (Peter Tomsen, The Wars of Afghanistan, pp.597-98, p.796n25). Le problème de la réticence de Massoud à une présence des troupes US en Afghanistan disparut lorsqu’il fut assassiné le 9 septembre 2001, soit deux jours avant le 11-Septembre.

[2] Coll, Ghost Wars, pp.467-69.

[3] Ibidem, p.513, pp.534-36, p.553.

[4] Ibidem, p.558.

[5] Ibidem, pp.573-74.

[6] Fenton, Disconnecting the Dots, p.108.

[7] Ibidem, pp.110-14.

[8] George Tenet, At the Center of the Storm : my years at the CIA(HarperCollins, New York, 2007), p.255.

[9] Jeremy Scahill, « Shhhhhh ! JSOC is Hiring Interrogators and Covert Operatives for ’Special Access Programs’ », The Nation, 25 août 2010.

[10] Fenton, Disconnecting the Dots, pp.127-30 ; Summers, Eleventh Day, pp.387-88.

[11] Jason Vest, « Implausible Denial II », The Nation, 31 mai 2004.

[12] Peter Dale Scott, « La continuité du gouvernement étasunien : L’état d’urgence supplante-t-il la Constitution ? », Mondialisation.ca, 6 décembre 2010.

[13] Scott, La Route vers le Nouveau Désordre Mondial, pp.298-301.

[14] Comité des chefs d’États-majors interarmées (JCS), « Courses of Action Related to Cuba (Case II) », Rapport du J-5 pour le Comité des chefs d’États-majors interarmées, 1er mai 1963, NARA #202-10002-10018, p.21 ; Scott, American War Machine, p.193, p.196.

[15] Scott, American War Machine, pp.195-205 ; documentNorthwoods, dossiers centraux du Comité des chefs d’États-majors interarmées (JCS) 1962-63, p.178, NARA Record # 202-10002-10104 ; « Opération Northwoods : Quand l’état-major américain planifiait des attentats terroristes contre sa population », par Thierry Meyssan,Réseau Voltaire, 5 novembre 2001.

[16] Fenton, Disconnecting the Dots, pp.283-355 ; Scott, War Conspiracy, pp.341-96.

[17] Jason Ditz, « Report : CIA Drones Killed Over 2,000, Mostly Civilians in Pakistan Since 2006 », AntiWar.com, 2 janvier 2011. Cf. Karen DeYoung, « Secrecy defines Obama’s drone war », Washington Post, 19 décembre 2011 (« des centaines de frappes menées sur trois ans – causant entre 1 350 et 2 250 décès au [Pakistan] »).

La CIA…et ses satellites….

Je reproduis ici l’intégrale du texte paru sur Voltaire.org

LE LANCEMENT DE LA GUERRE DE TERREUR DES ÉTATS-UNIS (2/3)

Des services secrets parallèles

par Peter Dale Scott

Poursuivant son analyse, Peter Dale Scott montre que les accords de liaison entre services secrets d’États alliés permettent de développer des services parallèles et des opérations hors contrôle. L’ancien diplomate canadien met ainsi à jour la méthode qui a permis aux comploteurs du 11-Septembre d’utiliser les moyens de l’appareil d’État US à l’insu de leurs collègues.

RÉSEAU VOLTAIRE | 22 SEPTEMBRE 2012

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Cet article fait suite à « La CIA, le 11-Septembre, l’Afghanistan et l’Asie centrale ».

Les accords de liaison avec d’autres services de renseignement

Je pense qu’initialement, Khaled al-Mihdhar et Nawaf al-Hazmi auraient pu bénéficier d’une protection car ils avaient été envoyés aux États-Unis par les services de renseignement saoudiens (le GID). Ceci expliquerait pourquoi, après leur arrivée, ils furent apparemment financés de manière indirecte par l’ambassade d’Arabie saoudite à Washington. Ces faits sont bien résumés par Paul Church dans l’Asia Times Online (édition du 12 février 2012) :

« [E]ntre 1998 et 2002, jusqu’à 73 000 dollars en chèques bancaires furent transmis par Hayfa bint Fayçal, la femme de [l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington, le prince] Bandar, à deux familles californiennes connues pour avoir financé al-Midhar [sic] et al-Hazmi (Bandar décrivit un jour George H. W. Bush et son épouse comme ‘ma mère et mon père’). […] La princesse Hayfa envoyait régulièrement des paiements mensuels allant de 2 000 à 3 500 dollars à Majeda Dweikat, la femme d’Oussama Basnan – qui aurait été un espion pour le gouvernement saoudien, selon divers enquêteurs. De nombreux chèques étaient [aussi] destinés à Manal Bajadr, la femme d’Omar al-Bayoumi, lui-même soupçonné de travailler secrètement pour le royaume [saoudien]. Auparavant, les familles Basnan, al-Bayoumi et les deux pirates de l’air du 11-Septembre avaient partagé le même immeuble à San Diego. Omar al-Bayoumi fut celui qui accueillit les meurtriers lorsqu’ils arrivèrent pour la première fois aux États-Unis, et qui leur fournit un appartement ainsi que des cartes d’assurance sociale (en plus d’autres formes d’assistance). Il aida même ces hommes à s’inscrire dans des écoles de pilotage en Floride. » [1]

Si les deux Saoudiens furent réellement envoyés par le GID, il est pratiquement certain qu’ils auraient été admis aux États-Unis dans le cadre d’un accord de liaison entre le GID et la CIA. [2] Le prince Turki ben Fayçal, l’ancien directeur du GID, a déclaré qu’il échangeait ses informations sur al-Qaïda avec la CIA et qu’en 1997, les Saoudiens « établirent une commission mixte de renseignement avec les États-Unis afin d’échanger des informations sur le terrorisme en général et sur […] al-Qaïda en particulier. » [3] Le Rapport de la Commission sur le 11-Septembre ajoute que, suite au passage à l’an 2000, des réformes furent entreprises au Centre de contreterrorisme (CTC), qui incluait Alec Station (l’Unité ben Laden de la CIA). Ainsi, le CTC voulait instaurer son plan adopté six mois auparavant, qui consistait à « améliorer les capacités des services de sécurité étrangers ayant fourni des renseignements via la liaison ». [4]

C’était une spécialité de Richard Blee. Steve Coll rapporta que ce dernier et son supérieur Cofer Black étaient très enthousiasmés par les opportunités qu’induisaient les accords de liaison, en ce qu’ils permettaient d’étendre l’influence et les capacités d’action de la CIA dans des régions cruciales. Ainsi, ils s’envolèrent ensemble vers Tachkent en 1999, où ils négocièrent un nouvel accord de liaison avec l’Ouzbékistan. [5] Selon Steve Coll et le Washington Post, cet arrangement conduisit à l’établissement rapide d’une liaison de la CIA en Afghanistan avec l’Alliance du Nord, par l’entremise de Tachkent. [6] Thomas Ricks et Susan Glasser rapportèrent dans le Washington Post qu’après les attentats à la bombe contre les ambassades US à Dar es Salaam et à Nairobi en 1998, « Les États-Unis et l’Ouzbékistan ont discrètement conduit des opérations secrètes communes visant à contrer le régime taliban au pouvoir en Afghanistan, ainsi que ses alliés terroristes […], selon des responsables de ces deux pays. » [7]

Cet engagement en Ouzbékistan entrait dans un plus large schéma régional. Depuis 1997, les États-Unis avaient débuté une série de manœuvres militaires annuelles avec les forces armées kazakhes, kirghizes et ouzbèkes. Ces exercices simulaient un possible déploiement de forces de combat de l’armée US dans la région :

« CENTRAZBAT ’97, comme on l’appelait, était clairement un test de la capacité américaine de projection de forces dans le bassin Caspien en cas de crise. ‘Il n’existe aucune nation sur la surface de cette planète qui est hors de notre portée’, déclara le général Jack Sheehan […] l’officier le plus haut gradé de cet exercice. Et pour quiconque aurait des doutes sur la nature de nos intérêts dans cette région, Catherine Kelleher, accompagnant Sheehan en tant qu’assistante du secrétaire adjoint à la Défense, cita ‘la présence d’énormes ressources énergétiques’ comme justification de l’engagement militaire des États-Unis. L’opération de 1997 fut la première d’une série d’exercices annuels [baptisés] CENTRAZBAT, qui sont conçus pour tester la vitesse avec laquelle Washington pourrait directement déployer dans cette région des forces basées aux États-Unis et y débuter des opérations de combat. » [8]

En d’autres termes, l’activité du Pentagone en Ouzbékistan précédait de quatre ans l’accord public signé en octobre 2001 par Donald Rumsfeld et le Président Islom Karimov.

Revenons-en à l’accord de liaison négocié par Richard Blee et Cofer Black avec l’Ouzbékistan. En tant qu’ancien jeune diplomate, permettez-moi d’observer qu’un accord de liaison aurait probablement requis des accréditations spéciales pour ceux qui étaient au courant de cet arrangement, et qui s’échangeaient des informations dans le cadre de cette liaison. [9] Ceci expliquerait l’exclusion des agents du FBI qui n’étaient pas autorisés à accéder à ces informations, ainsi que le comportement des autres agents non accrédités de la CIA qui continuaient de collecter et de disséminer des informations sur les deux pirates de l’air présumés. Le « groupe Alec Station » avait besoin des deux afin de protéger la double identité du tandem de Saoudiens, et de s’assurer qu’ils ne soient pas arrêtés par le FBI, ce qui aurait été source d’embarras.

Il est presque certain que la CIA disposait d’importants accords de liaison non seulement avec le GID saoudien et avec l’Ouzbékistan, mais aussi avec la Direction pour le renseignement interservices du Pakistan (ISI pour Inter-Services Intelligence). Elle avait également établi de tels accords avec les services de renseignement de l’Égypte, et peut-être même du Yémen et du Maroc. Plus particulièrement, il existe des raisons de penser qu’Ali Mohamed fût admis à résider aux États-Unis en tant qu’agent d’un service étranger (probablement égyptien) dans le cadre d’arrangements de ce type. [10] Mohamed était un agent double dont le FBI avait empêché la mise en détention au Canada, ce qui lui permit d’organiser les attentats de 1998 contre les ambassades US. Il figure à la fois parmi les sources et le contenu du célèbre Briefing Présidentiel Quotidien du 6 août 2001 (PDB pour Presidential Daily Briefing), dans lequel la CIA mit en garde le Président Bush que « Ben Laden [était] déterminé à frapper aux États-Unis ». [11] Selon Jack Cloonan, le référent d’Ali Mohamed au FBI, « toutes ces informations [contenues dans le briefing présidentiel] venaient d’Ali », tandis que le PDB attribuait ses découvertes cruciales à ce qu’« un agent opérationnel du Jihad islamique égyptien (JIE) déclara à un service [---]. » [12] (Il est clair qu’Ali Mohamed faisait partie du JIE, et que ce service était probablement égyptien.)

Mais lorsque ce dernier, à l’instar de Khaled al-Mihdhar et de Nawaf al-Hazmi, fut inopportunément admis aux États-Unis, « une autre agence fédérale » que la CIA s’en serait chargé. [13] Il s’agissait très probablement d’une agence du Pentagone car, entre 1987 et 1989, Ali Mohamed « fut affecté au [SOCOM, le] Commandement des opérations spéciales [de l’armée] US à Fort Bragg, la base des Bérets verts et de la Delta Force – l’unité d’élite du contre-terrorisme. » [14] Le SOCOM, qui inclut le Commandement mixte pour les opérations spéciales (JSOC pour Joint Special Operations Command), dispose de sa propre division de renseignement. [15] Par ailleurs, le SOCOM est le commandement qui a mis en place le programme Able Danger en 1999 afin de surveiller les agents d’al-Qaïda et qui, sans explications, l’a stoppé avant le 11-Septembre et a détruit sa base de données. [16] Par ailleurs, le SOCOM opérait en Ouzbékistan avec des agents de la CIA grâce à l’accord de liaison négocié par Cofer Black et Richard Blee du CTC, le Centre de contreterrorisme de la CIA.

Pour toutes ces raisons, je suggère de reconceptualiser ce que Kevin Fenton appelle l’anormal « groupe Alec Station ». En effet, nous pourrions considérer cette faction comme une (ou des) équipe(s) de liaison inter-agences disposant d’accréditations spéciales, et incluant des membres d’Alec Station, des collaborateurs au FBI et probablement des éléments du SOCOM. (L’un de ces collaborateurs était l’agent du FBI Dina Corsi, qui selon Fenton dissimula des informations vitales à son collègue, l’agent Steve Bongardt, et ce même après que la NSA lui en avait autorisé l’accès.) [17]

Retour en arrière : le Safari Club et William Casey

Sous des formes différentes, ces arrangements trouvent leur origine au plus tôt durant les années 1970. À cette époque, d’importants officiers de la CIA, en activité ou retraités (dont notamment Richard Helms), étaient mécontents des réductions de personnel menées sous le Président Jimmy Carter par Stansfield Turner, le directeur de l’Agence. En réponse, ils organisèrent un réseau alternatif que l’on appelle le Safari Club. Supervisé par les directeurs des services de renseignement de la France, de l’Égypte, de l’Arabie saoudite, du Maroc et de l’Iran (alors dirigé par le Shah), le Safari Club devint une base pour des officiers de la CIA tels que Theodore Shackley et Thomas Clines, qui avaient été marginalisés ou licenciés par le directeur de la CIA Turner. Comme le prince Turki ben Fayçal l’expliquera plus tard, l’objectif du Safari Club n’était pas simplement l’échange d’informations, mais également la conduite d’opérations secrètes que la CIA ne pouvait plus mener directement à cause du scandale du Watergate et des réformes correspondantes. [18]

Dans les années 1980, William Casey, le directeur de la CIA, prit des décisions cruciales dans la conduite de la guerre secrète en Afghanistan. Toutefois, elles furent élaborées hors du cadre bureaucratique de la CIA qu’il dirigeait alors, en ce qu’elles furent préparées avec les directeurs du renseignement saoudien — d’abord Kamal Adham puis le prince Turki ben Fayçal. Parmi ces décisions, nous pouvons citer la création d’une légion étrangère destinée à aider les moudjahidines afghans à combattre les Soviétiques — en d’autres termes, la création d’un réseau de soutien que nous avons connu sous le nom d’al-Qaïda depuis la fin de cette guerre entre l’Union soviétique et l’Afghanistan. [19] Casey mit au point les détails de ce plan avec les deux chefs du renseignement saoudien, ainsi qu’avec le directeur de la Bank of Credit and Commerce International (BCCI), la banque pakistano-saoudienne dont Kamal Adham et Turki ben Fayçal étaient tous deux actionnaires.

Ce faisant, Casey dirigeait alors une deuxième Agence, ou une CIA hors canaux, construisant avec les Saoudiens la future al-Qaïda au Pakistan, bien que la hiérarchie officielle de l’Agence, qui lui était subordonnée à Langley, « pensait [à juste titre] que c’était imprudent ». [20] Dans American War Machine(version française : La Machine de Guerre américaine), j’ai situé le Safari Club et la BCCI dans une succession d’arrangements élaborés au sein d’une « CIA alternative » ou d’une « deuxième CIA », datant de la création en 1948 du Bureau de Coordination Politique (OPC pour Office of Policy Coordination). Ainsi, il est compréhensible que George Tenet, le directeur de la CIA sous George W. Bush, suivît le précédent de Casey et rencontra environ une fois par mois le prince Bandar, ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington, sans révéler le contenu de ces discussions aux officiers de l’Agence chargés des questions saoudiennes. [21]

Kevin Fenton invoqua lui-même l’exemple du Safari Club afin de proposer une possible explication au fait que Richard Blee et Tom Wilshire utilisaient un « réseau parallèle » pour surveiller al-Mihdhar et al-Hazmi à l’intérieur des États-Unis. D’après lui, « [r]etenir les informations concernant Almihdhar et Alhazmi [sic] n’a de sens que si la CIA était en train de surveiller les deux hommes aux États-Unis même, officiellement ou hors registres. » [22] Cependant, nous pourrions envisager une troisième possibilité. En effet, le GID aurait pu surveiller leurs agissements, ce qui correspondrait aux assertions du prince Bandar, selon lesquelles les services de sécurité saoudiens avaient « activement suivi les mouvements de la plupart des terroristes [,] de manière précise ». [23]

Joseph et Susan Trento entendirent de la part d’un ancien officier de la CIA — qui avait été basé en Arabie saoudite — qu’« Hazmi et Mihdhar étaient tous les deux des agents saoudiens. » [24] Si cela est vrai, ils étaient clairement des agents doubles, agissant comme (ou se faisant passer pour) des terroristes en même temps qu’ils agissaient comme (ou se faisaient passer pour) des informateurs. Dans le domaine de l’espionnage, les agents doubles sont précieux et parfois utiles ; mais à certaines occasions, leur faire confiance peut aussi s’avérer dangereux — comme l’illustre l’exemple d’Ali Mohamed —.

Ce fut particulièrement vrai pour la CIA en ce qui concerne l’Arabie saoudite. En effet, le GID soutenait énergiquement al-Qaïda dans des pays comme la Bosnie, en vertu d’un accord imposant que cette organisation jihadiste « n’interfèrerait pas dans les affaires politiques de l’Arabie saoudite ou de tout autre pays arabe ». [25] Cet engagement avait été négocié avec Oussama ben Laden par le ministre de l’Intérieur saoudien Nayef ben Abdelaziz. L’ISI pakistanaise était encore plus activement impliquée avec al-Qaïda, et certains éléments de cette agence étaient probablement plus proches des buts idéologiques de cette organisation que du gouvernement nominalement laïc du Pakistan.

Quoi qu’il en soit, le recours à des informateurs illégaux n’est pas seulement dangereux et imprévisible, c’est aussi un facteur de corruption. En effet, pour jouer leur rôle, les informateurs doivent enfreindre la loi ; et leur superviseurs, ayant conscience de cette nécessité, doivent les protéger en s’abstenant de les signaler. Ainsi, bien trop souvent, ils interviennent afin d’éviter leur arrestation par d’autres services. C’est pourquoi les superviseurs ne cessent de se rendre complices des crimes de leurs informateurs. [26]

Même dans les meilleures circonstances, l’agence concernée doit décider si elle autorise l’informateur à perpétrer son crime, ou si elle l’en empêche en prenant le risque de lui faire perdre son utilité. Lorsque de telles occasions se présentent, les agences ont bien plus souvent tendance à faire le choix qui est contraire à l’intérêt général.

Un exemple très pertinent pour l’illustrer est le premier attentat à la bombe contre le World Trade Center en 1993. Ce cas est intéressant car Khalid Sheikh Mohammed, le cerveau présumé du 11-Septembre, faisait également partie des organisateurs de l’attentat de 1993. Parmi eux, le FBI avait un informateur, appelé Emad Salem. Plus tard, en se basant sur des preuves extraites des enregistrements de ses débriefings avec le FBI, Salem déclara que le Bureau décidât volontairement de ne pas déjouer le projet terroriste envisagé contre le World Trade Center. Écrit par Ralph Blumenthal pour le New York Times, voici le compte-rendu détaillé de ce précédent au mystère du 11-Septembre :

« On révéla aux fonctionnaires des forces de l’ordre [le FBI] que des terroristes étaient en train de concevoir une bombe, qui fut finalement utilisée pour faire exploser le World Trade Center. Ils envisagèrent de mettre en échec les malfaiteurs en substituant secrètement les explosifs par une poudre inoffensive, déclara un informateur après l’attentat.
Ce dernier était censé aider les malfaiteurs à fabriquer la bombe et leur fournir la fausse poudre, mais ce plan fut annulé par un superviseur du FBI qui avait d’autres idées sur la façon d’utiliser cet informateur, [appelé] Emad A. Salem.
Ce récit, tiré de la retranscription des centaines d’heures d’enregistrements que M. Salem a secrètement réalisé durant ses conversations avec des agents des forces de l’ordre, démontre que les autorités étaient dans une bien meilleure position qu’annoncé pour déjouer les attentats à la bombe du 26 février contre les plus hautes tours de New York. L’explosion tua six personnes, en blessa plus de 1 000 et provoqua des dommages excessifs d’un demi-milliard de dollars. Pour cette attaque, quatre hommes sont aujourd’hui poursuivis devant la Cour fédérale de Manhattan
. » [
27]

Ce qui rend le complot de 1993 encore plus intéressant est le fait que, selon plusieurs sources, Emad Salem était un agent du service de renseignement égyptien, envoyé aux États-Unis pour espionner les actions d’Omar Abdel Rahman, surnommé le « cheikh aveugle ». [28] Il est alors possible que le superviseur du FBI ayant « d’autres idées » sur la manière d’utiliser Emad Salem faisait partie d’une équipe de liaison, ne pouvant révéler ce qu’il savait aux autres agents du Bureau. Par exemple, il aurait pu être au courant d’un possible refus du renseignement égyptiens de dévoiler la couverture de Salem. Cette suggestion est à la fois hypothétique et problématique. Toutefois, elle a le mérite d’offrir une explication relativement cohérente pour un comportement du FBI que l’on peut qualifier de déconcertant.

Cette explication n’exclut absolument pas la possibilité que des fonctionnaires du Bureau auraient eu de plus sinistres motivations pour permettre la survenance des attentats à la bombe, et de le dissimuler ensuite. En effet, à ce moment précis, le cheikh Omar Abdel Rahman était l’un des éléments centraux d’un programme saoudien sensible, auquel des fonctionnaires US participaient également. Ce programme était destiné à recruter et à acheminer des combattants moudjahidines en Bosnie pour lutter contre la Serbie (incluant quelques individus, comme Ayman al-Zawahiri, qui furent ensuite accusés du complot du 11-Septembre). [29] Au vu du comportement des enquêteurs et des autorités judiciaires, il est clair qu’un certain nombre d’agences US ne voulaient pas interférer dans les activités du cheikh Rahman. Même après l’inculpation de ce dernier en 1995, dans une affaire d’association de malfaiteurs en vue de commettre des attentats contre des monuments de New York, le gouvernement des États-Unis continua de protéger Ali Mohamed, un personnage crucial dans cette affaire.

Pis, le fait pour le FBI de permettre la survenance de ces attentats à la bombe s’inscrit dans une série de contreperformances et d’opportunités manquées — toutes liées entre elles — dont l’apogée fut le 11-Septembre. La première de cette série concerne le meurtre de l’extrémiste juif Meir Kahane à New York en 1991. Dans cette affaire, le FBI et le NYPD ont arrêté deux des meurtriers pour les relâcher ensuite, leur permettant de prendre part aux attentats à la bombe de 1993 contre le World Trade Center. L’un des principaux instructeurs de ces deux individus était Ali Mohamed, bien qu’il fasse encore partie des Forces spéciales US à cette époque. Son nom fut systématiquement protégé de toute divulgation publique par Patrick Fitzgerald, le procureur chargé des poursuites dans cette affaire. En 1994, lorsqu’Ali Mohamed fut arrêté à l’aéroport de Vancouver par la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), le FBI est intervenu pour obtenir sa libération. Cette initiative du Bureau permit à Mohamed de se rendre au Kenya, où il devint le principal organisateur de l’attentat à la bombe de 1998 contre l’ambassade US à Nairobi. [30]

Ali Mohamed fut finalement arrêté par les États-uniens en 1998, mais il ne fut pas immédiatement emprisonné. Manifestement, c’est en homme libre qu’il confia sans réticences à Jack Cloonan, son référent au FBI, qu’il connaissait au moins trois des pirates de l’air présumés du 11-Septembre, et qu’il avait aussi contribué à leur apprendre comment détourner des avions. [31] Selon Ali Soufan, dans un livre publié en septembre 2011, Ali Mohamed attendait toujours sa condamnation en 2011, douze ans après qu’il eût plaidé coupable en mai 1999. [32]

Nous devons en conclure qu’aux États-Unis, quelque chose dysfonctionne profondément, et ce depuis bien avant le 11-Septembre. En réalité, ce problème a perduré sous les deux majorités politiques. Les conditions de confidentialité instaurées par les accréditations spéciales n’ont pas seulement masqué ces anomalies de fonctionnement ; comme je le défendrai, elles ont contribué à les engendrer. L’histoire de l’espionnage démontre que le pouvoir secret, lorsqu’il est exercé dans la sphère des activités illégales, devient peu à peu contraire au pouvoir public démocratique. [33] Plus le groupe de planificateurs spéciaux disposant de leurs propres accréditations est restreint, moins il y a de chances que leurs décisions soient conformes aux exigences des législations nationales et internationales, et encore moins à la moralité commune et au bon sens.

Ajoutez à ces conditions sournoises de confidentialité les relations fondamentalement malsaines et corrompues que les agences de renseignement US entretiennent avec celles de l’Arabie saoudite et du Pakistan. Jusqu’à présent, ces relations ont été profondément antidémocratiques en Asie autant que dans notre pays. Par un mécanisme de recyclage des richesses, la dépendance des États-Unis au pétrole saoudien a en fait subventionné une extension de l’islamisme à travers le monde. Dans le même temps, ce que les 99,9 % des États-uniens payent pour leur essence et leur gaz génère des sommes gigantesques, que les Saoudiens recyclent alors dans les institutions financières des 0,1 % trônant au sommet de Wall Street.

De façon comparable, la relation trouble des États-Unis avec l’ISI pakistanaise a engendré une augmentation considérable du trafic de drogue international, essentiellement grâce aux clients afghans de la CIA et de l’ISI. [34] En résumé, le mauvais fonctionnement bureaucratique dont nous parlons à propos du 11-Septembre est le symptôme d’un dysfonctionnement plus large. Ce problème trouve sa source profonde dans la relation qu’entretiennent les États-Unis avec l’Arabie saoudite, le Pakistan et — à travers ces pays — avec le reste du monde.

Les accords de liaison et la protection de Khaled al-Mihdhar et de Nawaf al-Hazmi

Même sans tenir compte du précédent suggestif de l’attentat à la bombe de 1993 contre le World Trade Center, il est légitime de présumer que des accords de liaison auraient pu empêcher l’arrestation de Khaled al-Mihdhar et de Nawaf al-Hazmi. Penchons-nous d’abord sur les découvertes de Kevin Fenton : « Il est clair que ces informations [concernant ces deux individus] ne furent pas retenues suite à une succession d’incidents étranges, mais qu’elles l’ont été intentionnellement. » [35] Je considère que cette découverte est frappante et indiscutable. Toutefois, nous ne pouvons pas être si sûrs de l’explication avancée par Fenton, selon laquelle « l’objectif de la rétention d’information était désormais de permettre le déroulement des attaques ». [36]

En réalité, je pense qu’il existe un certain nombre de possibilités derrière cette intention, allant de l’explication relativement innocente (les blocages dus à un accord de liaison) à la plus effroyable. Avant de les analyser, il nous faut déconstruire la notion de « laisser les attaques se dérouler ». De toute évidence, si les pirates de l’air présumés n’avaient pas été arrêtés aux portes d’embarquement des aéroports, des gens allaient certainement être tués — mais combien ? Souvenons-nous que dans les documents de l’opération Northwoods [37], qui envisageaient la planification d’attaques sous faux pavillon afin de justifier une intervention militaire à Cuba, des responsables du Comité des chefs d’États-majors interarmées (JCS) avaient écrit : « Nous pourrions développer une campagne de terrorisme [faussement attribuée aux communistes de Cuba] » durant laquelle « [n]ous pourrions couler un bateau rempli de Cubains ». [38] La perte de quatre avions de ligne remplis de passagers aurait-elle été une tragédie bien différente de celle qui était alors envisagée ?

Bien entendu, la dimension tragique du 11-Septembre fut considérablement amplifiée lorsque les avions frappèrent les tours et le Pentagone. Toutefois, il est possible que les personnes au courant de l’accord de liaison autour des deux Saoudiens n’imaginaient pas que les individus ciblés étaient capables de telles prouesses. Rappelons-nous que leurs leçons de pilotage, y compris à bord d’un Cessna, furent si catastrophiques qu’elles prirent fin prématurément. Leur instructeur leur fit savoir « qu’ils n’étaient tout simplement pas faits pour piloter ». [39]

Permettez-moi de suggérer qu’il existe trois étapes distinctes dans les attaques du 11-Septembre : les détournements, les frappes contre les bâtiments et les effondrements surprenants des trois immeubles du World Trade Center. Il est possible que l’équipe de liaison du « groupe Alec Station » eût envisagé uniquement la première étape, sans jamais imaginer les deux autres qui suivirent.

Une explication initiale des rétentions d’informations concernant deux des pirates de l’air présumés — à la fois simple et moins sournoise — serait l’hypothèse que j’ai proposé dans le cas d’Emad Salem : l’accès restreint aux renseignements du fait des accréditations spéciales requises par un accord de liaison. Toutefois, comme en 1993, les pouvoirs secrets constitués derrière le mur des accréditations restrictives auraient pu être exploités pour d’autres objectifs. La dangereuse situation alors créée — celle de potentiels pirates de l’air étant protégés de l’arrestation alors qu’une attaque était attendue — aurait pu inciter certains individus à exploiter les conditions de secret ainsi établies comme opportunité pour planifier un incident nécessaire à justifier la guerre. Il faut alors souligner une importante analogie entre le 11-Septembre et la fausse seconde attaque du golfe du Tonkin en août 1964, qui fut utilisée afin de justifier l’attaque du Nord-Vietnam. En effet, comme à cette époque, il existait une puissante faction au sommet de l’État qui était déterminée à déclencher une action militaire unilatérale. Il s’agit de la clique du PNAC, évoluant au sein du gouvernement des États-Unis en 2001. [40]

L’un des indices appuyant cette plus sinistre intention est le fait que le modèle de dissimulations détaillé par Kevin Fenton ne se limite pas aux deux Saoudiens et à leurs superviseurs de la station de la CIA. Nous pouvons constater un enchaînement de plusieurs rétentions de renseignements par d’autres agences. Plus précisément, il s’agit des informations de la cellule Able Danger qui furent détruites par le SOCOM, ainsi que de la dissimulation — manifestement menée par la NSA — d’une interception importante, apparemment relative aux pirates de l’air présumés et à Zacarias Moussaoui. [41]

Si la NSA dissimulait alors des renseignements aux responsables concernés, ce comportement nous rappellerait le rôle de cette agence à l’époque du second incident du golfe du Tonkin en août 1964. À un moment crucial, la NSA envoya 15 segments de ROEM (renseignements d’origine électromagnétique) qui indiquaient — à tort — une attaque menée par les Nord-Vietnamiens contre deux destroyers US. Dans le même temps, elle dissimula 107 segments de ROEM qui démontraient — avec exactitude — qu’aucune hostilité de la part du Nord-Vietnam n’avait été lancée. [42] À cette époque, le comportement de la NSA trouvait son écho à la CIA : ces deux agences étaient conscientes de l’existence d’un puissant consensus au sein de l’administration Johnson. En effet, cette dernière s’était déjà accordée sur la nécessité de provoquer le Nord-Vietnam dans l’espoir de créer une opportunité pour une réponse militaire. [43]

Grâce à de nombreux récits venant de sources internes à l’administration Bush, nous savons qu’avant le 11-Septembre, il existait aussi un puissant consensus pro-guerre au sommet de l’État. Ce consensus était centré sur Dick Cheney, Donald Rumsfeld et ce que l’on appelle la faction du PNAC (le Projet pour le Nouveau Siècle Américain), qui avait exercé un lobbying énergique en faveur d’une action militaire contre l’Irak avant l’élection de George W. Bush. Nous savons également que la réponse immédiate de Rumsfeld aux attentats du 11-Septembre fût de proposer une attaque de l’Irak, et que la planification d’une telle attaque a été initiée le 17 septembre 2001. [44] Par conséquent, il est utile d’envisager la possibilité que les individus ayant protégé les pirates de l’air présumés auraient pu partager ces ambitions guerrières. [45]

(À suivre…)

Peter Dale Scott

Traduction
Maxime Chaix

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[1] Le Rapport de la Commission sur le 11-Septembre minimisa l’importance d’al-Bayoumi (voir 9/11 Commission Report, pp.217-18) ; mais le Rapport de la Commission mixte du Congrès chargée d’enquêter sur le 11-Septembre, bien qu’il reste considérablement censuré, nous offre des informations corroborantes (pp.173-77). Celles-ci incluent un rapport indiquant que Basnan avait organisé une fête pour le « cheikh aveugle » Omar Abdel Rahman, qui est impliqué dans le premier attentat à la bombe de 1993 contre le World Trade Center.

[2] Initialement, comme d’autres observateurs, j’ai suspecté que ces deux hommes étaient des agents doubles saoudiens. Il est également possible qu’il fussent envoyés aux États-Unis en tant que cibles désignées, afin d’être surveillés individuellement ou ensemble par les Saoudiens et les États-uniens. L’un de mes rares désaccords avec Kevin Fenton survient lorsqu’il appelle al-Mihdhar « l’un des agents les plus expérimentés [parmi les pirates de l’air] » (Fenton, Disconnecting the Dots, p.205). Au contraire, j’ai plutôt l’impression qu’il était soit un espion inexpérimenté ou incompétent, soit quelqu’un qui s’exposait délibérément à la détection, afin de tester les réponses US.

[3] Summers, Eleventh Day, p.396.

[4] 9/11 Commission Report, p.184.

[5] Steve Coll, Ghost Wars : the secret history of the CIA, Afghanistan, and bin Laden, from the Soviet invasion to September 10, 2001(Penguin, New York, 2004), pp.456-57.

[6] Thomas E. Ricks et Susan B. Glasser, Washington Post, 14 octobre 2001.

[7] Ricks et Glasser, Washington Post, 14 octobre 2001.

[8] Michael Klare, Blood and Oil (Metropolitan Books/Henry Holt, New York, 2004), pp.135-36 ; citant R. Jeffrey Smith, « U.S. Leads Peacekeeping Drill in Kazakhstan », Washington Post, 15 septembre 1997. Cf. Kenley Butler, « U.S. Military Cooperation with the Central Asian States », 17 septembre 2001.

[9] En 1957, en tant que jeune diplomate canadien, j’ai moi-même disposé d’un accès spécial, qui était une accréditation d’un niveau supérieur au « top secret » pour consulter des renseignements de l’OTAN – une liaison relativement ouverte et directe.

[10] Pour le récit d’Ali Mohamed, voir Scott, La Route vers le Nouveau Désordre Mondial, pp.213-225 (chapitre 8).

[11] Ibidem, 158 ; citant John Berger, « Unlocking 9/11 : Paving the Road to 9/11 » : « Ali Mohamed fut l’une des sources principales du tristement célèbre Briefing Présidentiel Quotidien (PDB pour Presidential Daily Briefing) du 6 août 2001 intitulé ‘Ben Laden déterminé à frapper aux États-Unis’. » Selon moi, le PDB, fréquemment cité comme un exemple de la bonne performance de la CIA, illustre plus probablement comment l’Unité ben Laden concoctait ce qui allait devenir les archives en anticipation des contrôles post-11-Septembre. Sans le nommer, le PDB fit trois fois référence à Ali Mohamed en le décrivant comme une menace, malgré le fait qu’il était alors sous contrôle des autorités fédérales et qu’il attendait sa condamnation pour son rôle dans les attentats de 1998 contre les ambassades US. En d’autres termes, le PDB semble avoir été rédigé pour embellir les archives, tout comme le travail de Wilshire au FBI ce même mois d’août 2001.

[12] John Berger, Ali Mohamed, p.20 (Cloonan) ; 9/11 Commission Report, p.261 (PDB).

[13] James Risen, New York Times, 31 octobre 1998 ; dans Scott, La Route vers le Nouveau Désordre Mondial, pp.439-41.

[14] Raleigh News and Observer, 13 novembre 2001 ; dans Scott, La Route vers le Nouveau Désordre Mondial, pp.440-41. J’ai rajouté le terme « armée ». Le QG de l’USSOCOM est situé à Fort MacDill, une base aérienne de l’US Air Force en Floride.

[15] Dana Priest et William M. Arkin, « ‘Top Secret America’ : A look at the military’s Joint Special Operations Command », Washington Post, 2 septembre 2011.

[16] Fenton, Disconnecting the Dots, pp.168-69 ; Summers, Eleventh Day, p.371, p.550.

[17] Ibidem, p.372.

[18] Scott, American War Machine, p.161 ; Scott, La Route vers le Nouveau Désordre Mondial, pp.101-03.

[19] Ahmed Rashid, Taliban : Militant Islam, oil, and fundamentalism in Central Asia (Yale UP, New Haven CT, 2000), p.129.

[20] John Prados, Safe for Democracy, p.489 ; discussion dans Scott, American War Machine, pp.12-13.

[21] James Risen, State of War : the secret history of the CIA and the Bush administration (Free Press, New York, 2006), pp.188-89.

[22] Fenton, Disconnecting the Dots, p.104.

[23] Summers, Eleventh Day, p.397.

[24] Joseph J. et Susan B. Trento, cités par Summers, Eleventh Day, p.399. Depuis que j’ai présenté cet essai à la conférence internationale de Toronto le 11 septembre 2011, « Bob Kerrey [, ancien sénateur] du Nebraska, un Démocrate qui servit à la […] Commission sur le 11-Septembre, [a déclaré] dans un témoignage sous serment […] que ‘d’importantes questions [restaient] sans réponses’ concernant le rôle des institutions saoudiennes. ‘On n’a jamais vraiment suivi les preuves indiquant une plausible implication d’agents du gouvernement saoudien dans les attaques du 11-Septembre’, déclara M. Kerrey. » (« Saudi Arabia May Be Tied to 9/11, 2 Ex-Senators Say », New York Times, 29 février 2011.). Pour plus de renseignements sur cette affaire non traité par les médias français : « 11-Septembre : Deux anciens sénateurs US déposent sous serment et mettent en cause l’Arabie Saoudite (+ Vidéo) », ReOpen911, 5 mars 2012.

[25] Wright, Looming Tower, p.161 ; cité par Summers, Eleventh Day, p.216.

[26] Une telle corruption est prévisible et très répandue. Dans les célèbres exemples de Gregory Scarpa et de Whitey Bulger, des agents du FBI rattachés aux bureaux de New York et de Boston furent accusés de fournir à leurs indics de la mafia des informations qui conduisirent à des meurtres de témoins et de rivaux. Les agents du bureau new-yorkais de l’ancien Bureau Fédéral des Stupéfiants (FBN pour Federal Bureau of Narcotics) devinrent tellement impliqués dans le trafic de drogue de leurs informateurs que le FBN fût fermé et réorganisé.

[27] Ralph Blumenthal, « Tapes Depict Proposal to Thwart Bomb Used in Trade Center Blast », New York Times, 28 octobre 1993, accentuation ajoutée. Le jour suivant, le Times publia une légère correction : « Les transcriptions des bandes secrètement enregistrées par un informateur, Emad A. Salem, montrent qu’il avait mis en garde le gouvernement sur le fait qu’une bombe était en train d’être fabriquée. Toutefois, les transcriptions ne permettent pas d’établir clairement si les autorités fédérales savaient que la cible était le World Trade Center. »

[28] Scott, La Route vers le Nouveau Désordre Mondial, pp.205-06.

[29] Peter Dale Scott, « La Bosnie, le Kosovo et à présent la Libye : les coûts humains de la collusion perpétuelle entre Washington et les terroristes », Mondialisation.ca, 17 octobre 2011. Evan Kohlmann a décrit comment un bureau de Zagreb, ouvert pour aider les jihadistes soutenus par l’Arabie saoudite en Bosnie, recevait « directement tous ses ordres et ses fonds du principal bureau d’al-Kifah aux États-Unis, situé sur l’Atlantic Avenue [à Brooklyn] et contrôlé par le cheikh Omar Abdel Rahman » (Evan Kohlmann, Al-Qaida’s Jihad in Europe, pp. 39-41 ; citant Steve Coll et Steve LeVine, « Global Network Provides Money, Haven », Washington Post, 3 août 1993).

[30] Scott, La Route vers le Nouveau Désordre Mondial, pp.215-16, pp.440-41 ; citant « Canada freed top al-Qaeda operative », Globe and Mail de Toronto, 22 novembre 2001.

[31] Scott, ibidem, pp.213-225 (chapitre 8).

[32] Ali Soufan, The Black Banners, pp.94-95, p.561.

[33] La corruption semble être inévitable pour les superpuissances — ces États qui ont accumulé un excès de puissance vis-à-vis de ce qui est requis pour leur propre défense —. Ce processus est moins perceptible dans des États moins puissants, comme le Canada.

[34] Peter Dale Scott, « America’s Afghanistan : The National Security and a Heroin-Ravaged State », Asia-Pacific Journal : Japan Focus, N°20, 18 mai 2009. Cf. « U.S. looks into Afghan air force drug allegations », CNN, 8 mars 2012 : « Les États-Unis sont en train d’enquêter sur des accusations visant des membres de l’armée de l’air afghane, qui auraient utilisé leurs avions pour transporter de la drogue, selon ce qu’a déclaré jeudi un porte parole de l’armée US. Les enquêteurs veulent savoir si ces accusations de trafic de drogue, initialement rapportées dans le Wall Street Journal, sont liées à la fusillade qui a tué 8 officiers de l’US Air Force à l’aéroport de Kaboul, la capitale afghane. ‘Nous vérifions les accusations d’usage abusif d’appareils de l’AAF’, déclara le lieutenant colonel Tim Stauffer, se référant aux allégations selon lesquelles du matériel de l’armée de l’air afghane aurait été utilisé pour transporter illégalement des armes et de la drogue. »

[35] Fenton, Disconnecting the Dots, p.310.

[36] Ibidem, p.371, cf. p.95.

[37] « Quand l’état-major américain planifiait des attentats terroristes contre sa population », par Thierry Meyssan, et « Document déclassifié : L’Opération Northwoods (1962) », Réseau Voltaire, 5 novembre 2001

[38] Comité des chefs d’États-majors interarmées (JCS), « Courses of Action Related to Cuba (Case II) » ; cité dans Scott, American War Machine, p.196.

[39] Washington Post, 30 septembre 2001 ; dans Summers, Eleventh Day, p.293 ; cf. 9/11 Commission Report, pp.221-22.

[40] Voir Scott, American War Machine, pp.199-203.

[41] Fenton, Disconnecting the Dots, pp.360-61, p.385. Visiblement, une rétention d’informations a également été menée dans les hautes sphères du Commandement mixte des armées (USJFCOM pour US Joint Forces Command) : « Le vice-amiral Martin J. Meyer, commandant en chef adjoint (DCINC) de l’USJFCOM, fut l’un des responsables qui assistèrent au briefing du DO5 [une unité de renseignement de l’USJFCOM affectée à la surveillance du terrorisme visant les États-Unis]. […] Cependant, deux semaines avant le 11-Septembre, malgré les alertes lancées durant ce briefing, Meyer aurait dit au major-général Larry Arnold — le commandant du NORAD pour la région continentale des États-Unis (CONR) — ainsi qu’à d’autres hauts responsables du CONR que leurs inquiétudes au sujet d’Oussama ben Laden comme possible menace pour les États-Unis était infondées et que, pour le citer, ‘si tout le monde arrêtait simplement de regarder CNN, il n’y aurait pas de menace appelée Oussama ben Laden’ » (Jeffery Kaye et Jason Leopold, « EXCLUSIVE : New Documents Claim Intelligence on Bin Laden, al-Qaeda Targets Withheld From Congress’ 9/11 Probe », Truthout.org, 13 juin 2001).

[42] Scott, American War Machine, p.201.

[43] Ibidem, pp.200-02.

[44] Clarke, Against All Enemies, pp.30-33 ; Summers, Eleventh Day, pp.175-76 ; James Bamford, A Pretext for War, p.287.

[45] Mark Selden a décrit le processus de « l’exacerbation des passions nationalistes provoquée par des attaques venant de nulle part » comme ayant « soutenu le ‘mode de guerre américain’ depuis 1898 » (Mark Selden, « The American Archipelago of Bases, Military Colonization and Pacific Empire : Prelude to the Permanent Warfare State », à paraître en 2012, International Journal of Okinawan Studies).

Peter Dale Scott

Peter Dale ScottAncien diplomate canadien et professeur émérite à l’université de Berkeley, en Californie. Auteur du livre La Machine de guerre américaine (éditions Demi-lune, 2012).

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